Saturday, October 27, 2007

Première partie de la suite




L’enfant commence par crier, il crie à en perdre haleine
il vit et il en perdra pied, mais il est encore bien tôt pour t’en parler.
Ce petit bout de moi, ressemblait à tous les autres, un petit garçon souriant
poli je crois. Il était venu pour jouer en tout cas, je me souviens de ça.
A cette époque j’étais très occupé, tu sais, dans les affaires du monde.
J’étais arbitre, arbitre d’une guerre bien difficile à diriger
d’un côté les errants, de l’autre côté des erreurs. Et moi, tu aurais du me voir
tu aurais rigolé. Parce qu’ils étaient des géants,
et moi si petit. Je crois, oui, que tu aurais pleuré. Je crois que tout le monde
a pleuré. Sauf lui. Il voulait jouer. Il m’en parlait,
à une cadence infernale et des journées entières,
disait qu’il ne trouvait pas ça juste qu’il en avait marre de cette fichue guerre,
qu’elle n’était pas à moi. Il était jaloux je crois. Il était là, avec son fichu ballon
et ses souliers délassés, si souvent débraillé. Toujours prêt à tomber.
Ce jour là il faisait froid. Je sais parce que je portais des gants. Et il était tôt,
dans l’hiver de son existence, pour voir le camion passer sur son corps, meurtri.
Crois moi, j’en ai vu des guerres comme celle là. On a voulu le tuer.
Qui? Je ne sais pas. Ne crois pas que ça puisse être moi. Lui le croyais.
Et à partir de ce jour on s’est un peu fâché. Il ne me parlait plus,
je ne voulais pas l’écouter.
Il s’est mis à creuser avec ses petits bouts de doigts encore mal formés,
il s’est mis à plonger au milieu d’une terre désertique, aride.
Il est resté seul des années,
à hurler, à tant pleurer que j’ai dû le mettre dans un bocal.
Tu sais dans ces bulles qui, retournées, font tomber la neige.
Je l’ai mis sur la cheminée. Je le regardais chaque année en me disant
un jour il y aura droit, tout comme moi, à la liberté.

Tuesday, October 16, 2007

Expiration

Une peinture: "Execution", de Yue Minjun, un artiste chinois contemporain.

Et une citation de Rainer Maria Rilke, tirée des lettres à un jeune poète:
"Je crois que cet amour demeure si fort et si puissant dans votre mémoire parce qu'il a été votre première solitude profonde, et le premier travail intime auquel vous ayez soumis votre propre vie."

Monday, October 15, 2007

Success story

Lorsque apparaît la limite du supportable
peut-on dire : en la traversant nous gagnerons?
Quand se lève le mystère de la souffrance
peut-on dire que la course est remportée?
Peut-on dire à ce moment, maman,
c’est moi le plus fort? Regarde comme je suis beau et grand
et fort et musclé et intelligent.
Crucifier ses espoirs, pour figer le temps.

Les fils du temps ne sont pourtant pas ceux que l’on croit,
enroulés sur eux-mêmes bien plus que fixés entre deux points
d’un infini à l’autre. Le passé n’a rien à dire à l’avenir,
ils n’ont pas besoin de dialogue ils se connaissent intimement,
ils sont frères de l’infini. Déterminer à ne pas se perdre,
le présent, lui, construit un passé, cherche un avenir,
le présent fait face. Fils du temps, il cherche en vain ses deux frères.

Les fils, un jour d’on ne sait pas se qu’il lui prendra, se perdrons
dans le brouillard de la tragédie. Réfugié dans les jupons de sa mère,
aveuglé, souffreteux puis mourrant, le petit maintenant n’en finira plus de hurler.
La colère ne sera pas que passagère, elle irradiera tout son corps
pour le brûler au dernier degré, toucher son cœur
et l’emporter loin, le semer aux quatre vents.
L’oublié de lui-même ainsi né cherche un ailleurs. Une fraternité nouvelle.

Parions qu’il finira par la trouvée, parions alors
qu’il voudra clouer cette vérité, pour que la réalité ne lui échappe.
De ses espoirs perdus, de ses frères retrouvés, le présent voudra figer le temps.
Mais la tragédie rode, et le brouillard guète, une histoire qui s’entretient.
Et alors? Alors nous oublierons encore et encore
sans en finir de se consumer les yeux à la flamme de l’illusion du temps,
à la majestueuse lumière de la tragédie. Crucifié.
Condamné, entre vie et mort, passé et futur, le présent est infini
et n’en finira jamais de se savoir. C’est dans son immortalité qu’il prendra corps.

Wednesday, October 10, 2007

Dans un souffle


On pleure les morts,
on pleure les mots,
on achève les chevaux de l’espoir
quand dehors gronde l’enfer,
pour ne pas mourir de fin.

L’oubli, nécessaire, de la tragédie
mène le promeneur
jusqu’aux rives de l’ultime frontière,
celles où il faut payer
de notre absence, pour voir l’autre côté.
Une foule immense vit sur ces rives infernales,
dans l’éternelle attente,
de celui qui saura les souffler
comme on forme un vase.
Un endroit comme une balance entre vie et mort,
soutenu par le passé, penché vers le futur.

Des égares se sont perdus par milliers
à attendre. Finissant par se jeter dans l’eau,
emportés par le courant,
rejetés sur les rives de la vie, de retour
pour un nouveau tour, condamnés à faire le même chemin.
Il existe pourtant des cavaliers
qui restent en selle. Fiers et droits.
Tendus vers cet absolu silencieux.
Ils sauront certainement s’acquitter du dernier denier,
sacrifier leurs mots, de leur silence faire don
comme un souffle, pour animer les voix des vivants.

On pleure les morts,
on pleure les mots,
on achève les chevaux de l’espoir
quand dehors gronde l’enfer,
pour ne pas mourir de fin.

Friday, October 05, 2007

Air du temps


Dans l’air du temps se diluent

les souvenirs du passé.

La mer s’est calmée,

le soleil levant sur ces mondes nouveaux

où ma barque à échouer,

laisse voir les blessures,

souvenirs du passé.

De cette barque, de cette mer,

je ne veux plus.

Je veux pouvoir marcher

courir, jouer

avec mes pieds, avec mon corps entier

jouir.