Première partie de la suite
L’enfant commence par crier, il crie à en perdre haleine
il vit et il en perdra pied, mais il est encore bien tôt pour t’en parler.
Ce petit bout de moi, ressemblait à tous les autres, un petit garçon souriant
poli je crois. Il était venu pour jouer en tout cas, je me souviens de ça.
A cette époque j’étais très occupé, tu sais, dans les affaires du monde.
J’étais arbitre, arbitre d’une guerre bien difficile à diriger
d’un côté les errants, de l’autre côté des erreurs. Et moi, tu aurais du me voir
tu aurais rigolé. Parce qu’ils étaient des géants,
et moi si petit. Je crois, oui, que tu aurais pleuré. Je crois que tout le monde
a pleuré. Sauf lui. Il voulait jouer. Il m’en parlait,
à une cadence infernale et des journées entières,
disait qu’il ne trouvait pas ça juste qu’il en avait marre de cette fichue guerre,
qu’elle n’était pas à moi. Il était jaloux je crois. Il était là, avec son fichu ballon
et ses souliers délassés, si souvent débraillé. Toujours prêt à tomber.
Ce jour là il faisait froid. Je sais parce que je portais des gants. Et il était tôt,
dans l’hiver de son existence, pour voir le camion passer sur son corps, meurtri.
Crois moi, j’en ai vu des guerres comme celle là. On a voulu le tuer.
Qui? Je ne sais pas. Ne crois pas que ça puisse être moi. Lui le croyais.
Et à partir de ce jour on s’est un peu fâché. Il ne me parlait plus,
je ne voulais pas l’écouter.
Il s’est mis à creuser avec ses petits bouts de doigts encore mal formés,
il s’est mis à plonger au milieu d’une terre désertique, aride.
Il est resté seul des années,
à hurler, à tant pleurer que j’ai dû le mettre dans un bocal.
Tu sais dans ces bulles qui, retournées, font tomber la neige.
Je l’ai mis sur la cheminée. Je le regardais chaque année en me disant
un jour il y aura droit, tout comme moi, à la liberté.